mercredi 4 janvier 2012
dimanche 1 janvier 2012
Aube
"Pour les savants, l'aube et le crépuscule sont un seul phénomène et les Grecs pensaient de même, puisqu'ils les désignaient d'un mot que l'on qualifiait autrement selon qu'il s'agissait du soir ou du matin. Cette confusion exprime bien le prédominant souci des spéculations théoriques et une singulière négligence de l'aspect concret des choses. Qu'un point quelconque de la terre se déplace par un mouvement indivisible entre la zone d'incidence des rayons solaires et celle où la lumière lui échappe ou lui revient, cela se peut. Mais en réalité, rien n'est plus différent que le soir et le matin. Le lever du jour est un prélude, son coucher, une ouverture qui se produirait à la fin au lieu du commencement comme dans les vieux opéras. Le visage du soleil annonce les moments qui vont suivre, sombre et livide si les premières heures de la matinée doivent être pluvieuses ; rose, léger, mousseux quand une claire lumière va briller. Mais, de la suite du jour, l'aurore ne préjuge pas. Elle engage l'action météorologique et dit : il va pleuvoir, il va faire beau. Pour le coucher du soleil, c'est autre chose ; il s'agit d'une représentation complète avec un début, un milieu et une fin. Et ce spectacle offre une sorte d'image en réduction des combats, des triomphes et des défaites qui se sont succédé pendant douze heures de façon palpable, mais aussi plus ralentie. L'aube n'est que le début du jour ; le crépuscule en est une répétition."
Claude Lévi-Strauss, Tristes tropiques (Feuilles de route)
Inscription à :
Articles (Atom)